Sur un mur, un cadre lumineux entouré de caméras attend l’interacteur. Lorsqu’on s’approche, on peut y percevoir son reflet. À mesure qu’on y fixe son regard, le temps se fragmente, le passé s’entremêle avec le présent révélant des tesselles carrées. Progressivement, les points de vue sont démultipliés, les caméras fractionnant l’espace. Peu à peu, des fragments de visages étrangers commencent à apparaître, venant remplacer éventuellement la totalité du reflet virtuel de l’interacteur. Ces trois étapes rappellent les trois ordres du simulacre selon Baudrillard où la médiation, à travers ses manipulations, viendrait corrompre le lien entre le référent et sa copie.
L’aspect réflexif de l’œuvre est double : premièrement du point de vue formel, elle remet en question l’instantanéité et la perspective unique dans le portrait grâce à une démultiplication du temps et de l’espace en dévoilant graduellement un portrait cubiste du sujet. En second lieu, elle cherche de par son apparence à susciter une réflexion sur la banalisation de la surveillance des citoyens dans un monde où les caméras sont omniprésentes, et sur la perte de contrôle de sa propre représentation dans les espaces virtuels, au point d’en perdre la notion même d’individualité, dépossédés de ce fait de notre propre reflet.
Étant donnée la ressemblance superficielle de l’installation avec le miroir (son apparence générale ainsi que son mode opératoire sont repris), le spectateur peut avoir un horizon d’attentes semblable à l’interaction quotidienne avec celui-ci. C’est précisément ce qui rend l’expérience de l’œuvre déstabilisante : le spectateur s’attend à une représentation isomorphe de son apparence (comme dans un miroir classique), mais on lui présente sa physionomie d’une manière progressivement plus détournée dans le temps et l’espace, ce qui engendre une dissonance cognitive qui – d’une manière perverse – semble porteuse d’une certaine forme de plaisir esthétique.
Cette installation se veut un hommage aux portraits morcelés de David Hockney.
On a wall, a luminous frame surrounded by cameras awaits the interactor. When you approach, you can see its reflection. As you fix your gaze on it, time is fragmented, the past intertwines with the present revealing square tesserae. Gradually, the points of view are multiplied, the cameras dividing the space. Gradually, fragments of alien faces begin to appear, eventually replacing the entire virtual reflection of the interactor. These three stages recall Baudrillard’s three orders of the simulacrum where mediation, through its manipulations, corrupts the link between the referent and its copy.
The reflexive aspect of the work is twofold: firstly from the formal point of view, it calls into question the instantaneity and the unique perspective in the portrait thanks to a multiplication of time and space by gradually revealing a cubist portrait of the subject. Secondly, through its appearance, it seeks to provoke reflection on routine surveillance in a world where cameras are omnipresent, and on the loss of control of one’s own representation in virtual spaces, to the point of losing the very notion of individuality, dispossessed of our own reflection.
Given the superficial resemblance of the installation to the mirror (its general appearance as well as its mode of operation are taken up), the spectator can have a horizon of expectations similar to the daily interaction with it. This is precisely what makes the experience of the work destabilizing: the spectator expects an isomorphic representation of his appearance (as in a classic mirror), but his physiognomy is presented to him in a progressively more diverted way in time and space, which engenders a cognitive dissonance that – in a perverse way – seems to convey some form of aesthetic pleasure.
This installation is a tribute to the fragmented portraits of David Hockney.